Le Retour des Luddites : IA et l'Avenir du Travail

Défis face à la révolution de l'intelligence artificielle

En 1811, dans l'Angleterre de George III, et plus précisément à Nottingham, de nombreux travailleurs textiles (principalement des artisans experts dans les tâches de confection de tissus) ont commencé à faire irruption dans les usines textiles primitives de l'époque pour détruire les métiers à tisser et les cadres de tricot automatisés. Ces travailleurs ont été appelés luddites, supposément en raison d'un destructeur de machines nommé Ned Ludd, dont l'existence n'est pas prouvée de manière incontestable. Les luddites ont brûlé certaines usines et détruit leurs machines, allant même jusqu'à affronter violemment les forces de l'ordre.

Aujourd'hui, par extension, nous utilisons le terme luddite pour désigner les personnes qui résistent à l'utilisation des technologies en considérant qu'elles ont un impact négatif sur le mode de vie des gens.

Maintenant, parallèlement à l'explosion de l'intelligence artificielle, les luddites réapparaissent. Ces nouveaux luddites sont préoccupés par les conséquences négatives potentielles de l'IA et luttent contre son adoption, demandant un moratoire sur ses avancées. Et cette fois, les luddites, curieusement et paradoxalement, ne sont pas des travailleurs manuels en colère, mais certains des principaux gourous de la numérisation qui craignent que cela ne leur échappe.

Défis et résistance à l'ère de l'intelligence artificielle

Les critiques de l'IA soutiennent que les machines ne pourront jamais égaler la créativité, l'empathie et l'intuition humaine, et que l'automatisation à grande échelle pourrait entraîner une augmentation des inégalités et de l'exclusion sociale. De plus, il y a des craintes que les systèmes d'IA puissent être utilisés pour prendre des décisions biaisées ou injustes, et que les données collectées par les entreprises d'IA puissent être utilisées pour le contrôle et la manipulation.

Certains des nouveaux Luddites luttent activement contre l'IA par le biais de la protestation et de l'action politique. Des groupes de défense de la vie privée et de la liberté en ligne ont émergé, exigeant des réglementations plus strictes sur l'IA et la protection des données personnelles. D'autres travaillent à développer des technologies plus transparentes et équitables, ou même à mettre le contrôle entre les mains des utilisateurs.

Enfin, et avec une large couverture médiatique, des manifestes ont été créés pour demander un gel des avancées en intelligence artificielle et une réflexion sur les règles du jeu de l'IA. La réflexion clé est sûrement : Qui bénéficie de l'automatisation ? Quels risques cela comporte-t-il ? et Qui doit en payer les coûts ?

L'inévitable automatisation et son impact sur la société : Défis et solutions

L'automatisation est inarrêtable et va avoir un fort impact social. C'est la vérité désagréable, inconfortable, à laquelle nos politiciens ne veulent pas que nous pensions, et pour laquelle ils n'ont aucun plan. Ce sera le marché, l'économie, qui fera de cette situation une vérité incontestable. Les entreprises de l'ère numérique auront besoin de moins de personnel.

En d'autres termes, nous allons expérimenter une pression à la baisse sur les besoins en capital humain, de sorte que le nombre de personnes nécessaires par unité de PIB va diminuer. De la même manière que la Révolution Industrielle a rendu obsolètes de nombreux emplois dont vivaient nos arrière-grands-parents, la Révolution Numérique et l'hyperautomatisation rendront redondantes bon nombre de nos occupations pour nos enfants.

La différence est que le processus qui a pris plus d'un siècle auparavant sera probablement une réalité en quelques décennies. La deuxième différence est qu'auparavant, il affectait principalement les travaux manuels, tandis que l'hyperautomatisation affectera non seulement les emplois industriels, mais aussi ceux des services et des travailleurs du savoir.

Le défi est que les bénéfices de l'automatisation profitent à la société en couvrant les coûts de la perte d'emplois. Pour cela, il est nécessaire de concevoir un nouveau modèle d'État-providence et du rôle de l'emploi dans l'économie, ainsi que des mécanismes fiscaux pour les financer. Des mécanismes comme le revenu de base universel peuvent aider à éviter une partie des risques sociaux et servir de moyen pour la redistribution de la richesse générée par les machines.

Mais nous ne devons pas seulement déployer un revenu minimum. Nous devons réinventer le système éducatif. Le système actuel est conçu pour l'ère industrielle, où les emplois étaient raisonnablement stables : les personnes se forment pendant une période de 8 à 15 ans, travaillent pendant 50-60 ans et prennent leur retraite pendant 10-20 ans. Ce modèle de vie est absolument inadéquat pour la société hyperdigitale.

Il est essentiel d'introduire la formation comme une partie essentielle de la période productive des personnes. Les travailleurs devront changer deux, trois ou cinq fois de métier pendant cette période. De plus, les employés devront travailler plus d'années pour couvrir ces périodes de formation et limiter la période de retraite, étendue par l'augmentation de l'espérance de vie.

Malheureusement ou heureusement, selon le point de vue, l'automatisation est inévitable. La raison est simple : l'automatisation réduit les coûts et les entreprises adorent réduire les coûts. En réalité, l'automatisation apporte d'autres avantages tels que la réduction des erreurs et l'amélioration de la qualité, des aspects qui apportent également une valeur indéniable.

Nous allons assister à une automatisation exponentielle qui va remplacer le travail des êtres humains par des machines. Nous devons en être pleinement conscients. Cela ne signifie pas que nous ne pouvons rien faire à ce sujet. Cela signifie que nous devrons redessiner la société pour nous adapter à cette réalité. Le travail va nous définir en tant qu'individus dans une moindre mesure que depuis la Révolution industrielle.

En dernière instance, l'IA est un outil qui peut être utilisé pour le bien ou pour le mal, et il est de la responsabilité des utilisateurs et des développeurs de s'assurer qu'elle soit utilisée de manière éthique et responsable. Bien qu'il soit important d'être conscient des risques et des inconvénients potentiels de l'IA, il est également important de ne pas se laisser emporter par la peur et l'opposition aveugle. Avec un débat et une réglementation appropriés, l'IA peut être une force positive dans nos vies et dans la société en général.

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